La santé sexuelle : la grande absente de la prise en charge médicale des femmes.
Aujourd’hui je vous parle d’un sujet qui me tient à cœur. Un sujet qui
pour moi est trop peu présent (voire totalement absent) dans la presse, les
blogs d’endogirls, les bouquins etc. Je viens vous parler de santé sexuelle.
La santé sexuelle c’est quoi ?
L’OMS la définit comme un « état de bien-être physique, mental et
social dans le domaine de la sexualité ». Malheureusement cette notion est
bien trop souvent confondue avec la notion de « santé reproductive »
lorsque l’on parle des femmes. La santé reproductive, elle, ne concerne que la
capacité à se reproduire. Or vous n’allez pas me contredire là-dessus
aujourd’hui notre vie sexuelle n’a pas pour seul but de faire des bébés et puis
basta ! J’aborde ici la question de la santé sexuelle des femmes cisgenres
car je n’ai clairement ni la légitimité ni les informations nécessaires pour
parler des hommes trans. S’il y a des hommes trans qui veulent me faire part de
leurs témoignages et des problématiques qui leur sont propres, c’est avec
plaisir.
Dans la prise en charge de l’endométriose particulièrement, la
question de la santé sexuelle est pour moi trop souvent éclipsée par la santé
reproductive. Pourquoi ? Bon je crois que vous avez déjà la réponse si
vous avez lu un peu ce blog ce que l’on attend socialement des femmes
est différent de ce que l’on attend des
hommes. Comme je l’ai déjà dit dans mon article « tu seras mère ou tu ne seras plus rien », la prise en charge de l’endométriose tourne beaucoup autour
de la question de la maternité. En revanche combien de médecin s’interrogent
réellement sur la vie sexuelle de leurs patientes ? Sur leur capacité à
avoir des rapports sexuels avec pénétration ? Leur capacité à avoir un
orgasme sans leur donner l’impression que leurs ovaires explosent ? Je parle
ici de rapports sexuels dans le sens le plus large. Oui certaines femmes
souffrent lors de la pénétration mais d’autres sont aussi incapables d’avoir
des rapports non pénétratifs car même l’excitation ou l’orgasme leur provoque
des douleurs.
Féminité et
masculinité
Aujourd’hui la santé sexuelle des femmes est
considérée comme secondaire par le corps médical mais aussi par une bonne
partie de la population. Tout d’abord parce que l’image de la femme frigide qui
n’aime pas le sexe et qui couche uniquement pour faire plaisir à son homme oui
car une femme c’est forcément hétérosexuelle, voyez vous est encore assez
répandue.
Certes pas toujours de manière aussi caricaturale, mais qui n’a
jamais entendu que les femmes n’aiment pas le sexe, ou qu’elles ont moins de
libido que les hommes ? De ce fait, lorsque qu’une maladie comme
l’endométriose a pour symptôme des douleurs pendant les rapports, cela devient
secondaire tant que la patiente ne désire pas d’enfant. Bah oui quoi ? les
femmes elles s’en foutent de pas être heureuses et épanouies sexuellement,
après tout elles aiment pas. Et puis elles, elles savent se contrôler…alors que
les hommes...
Plus sérieusement. Il faut pour comprendre cela se pencher sur les
notions de féminité et masculinité. Ce sont des notions complexes qui évoluent
d’une société à une autre, d’une époque à une autre. Cependant la question de
la capacité à enfanter est bien souvent associée à la féminité. On retrouve
d’ailleurs parfois cela chez les femmes qui doivent subir une
hystérectomie : l’impression d’être une sous femme, de perdre leur féminité.
De la même manière certaines femmes ne supportent pas de prendre une pilule en
continu (qui leur enlève donc les règles artificielles que l’on obtient quand
on prend une pilule avec des placebos). Elles ont l’impression d’une perte de
féminité. D’ailleurs je tiens à le rappeler pour celles qui ne le savent
pas : contrairement à la croyance populaire souvent encore véhiculée par
les gynecos, les règles sous pilules ne sont pas nécessaires. Il n’y a rien à
« évacuer ». Prendre une pilule en continu n’est pas dangereux. Du
moins pas plus qu’une pilule avec comprimés placebo. Autre croyance
populaire : cela ne rend pas stérile
La masculinité en revanche est bien souvent
associée à la capacité à avoir un rapport sexuel, au désir. J’ai eu la chance
de rencontrer, dans le cadre de mes études, un médecin qui gère une clinique de
l’infertilité masculine. Lorsqu’il se retrouvait face à des patients qu’il
fallait opérer, la première question tourne autour de l’impuissance. Ils ne
demandent pas « Est ce que je pourrais avoir des enfants
après ? » mais bien « Est ce que je pourrais
bander ? » et « Est ce que je vais continuer à éjaculer ? ».
Et la nuance n’est pas due au hasard. Perdre capacité-là est considéré comme
une perte de masculinité.
La santé
sexuelle des femmes : encore un tabou
La santé sexuelle des femmes n’intéresse malheureusement pas grand
monde dans notre société. Beaucoup de femmes ont d’ailleurs capitulé, ayant
abandonné l’idée d’avoir un jour une vie sexuelle satisfaisante. D’autres
femmes vivent leur sexualité comme un tabou. Je précise dès maintenant qu’on a toutes et tous des notions
différentes de « vie sexuelle satisfaisante ». Pour certain-e-s c’est
atteindre l’orgasme, pour d’autre pas forcément. Pour certain-e-s c’est avoir
des rapports tous les jours, d’autres tous les mois. Certain-e-s ne désirent
pas voir des rapports sexuels par choix et le vivent très bien. Bref il y a
autant de moyen de kiffer sa sexualité (ou son absence de sexualité) que de
personnes. L’important dans la notion de santé sexuelle c’est d’être en
capacité de faire ses propres choix. De ne pas être limité par une quelconque
contrainte et notamment en terme de santé puisque c’est le sujet du blog.
Pourquoi est-ce que encore aujourd’hui beaucoup de femmes ont un rapport
compliqué à leur vie sexuelle ? Voilà quelques pistes de réflexions.
> Nous avons une vision de la vie sexuelle
souvent biaisée par les films, les bouquins, les séries…On y voit souvent que
le sexe ça doit être bon tout de suite !, silencieux dans les films ils
ont pas besoin de demander « ça te plairait que je fasse ça ? ». Non
eux ils savent tout de suite, spontané. Une jolie petite chorégraphie bien
rodée qu’on devrait tous avoir en tête.
>Le manque d’information autour de l’anatomie
des femmes cisgenres. Je rappelle que le clitoris vient tout juste d’apparaitre
dans des bouquins de bio pour les pré-ados. Qu’encore aujourd’hui beaucoup
d’hommes (et de femmes) ne font aucune différence entre l’orifice externe de
l’urètre, le vagin, et le clito petite dédicace aux mecs qui nous demandent
comment on urine quand on porte un tampon : ce n’est pas le même
trou ! Nous n’urinons pas par le vagin ! Et NON pour la dernière fois
la vulve et le vagin c’est pas la même chose ! Les heures d’éducations
sexuelles obligatoires instaurés depuis plusieurs décennies dans la loi ne sont
respectées nulle part. Bref il est, à mon avis, dur d’avoir une vie sexuelle
satisfaisante quand on ne connait pas son anatomie ou l‘anatomie de sa
partenaire.
De même la masturbation féminine est encore
aujourd’hui un tabou. Or elle peut (c‘est pas obligatoire, on peut ne pas avoir
envie, c’est pas grave) constituer un moyen de découvrir son corps, la manière
dont on aime se donner du plaisir etc.
>La question du consentement entre aussi en jeu.
Nous avons toutes connue une situation où notre consentement n’est pas pris en
compte, c’est le propre de la société patriarcale dans laquelle nous vivons.
Notre consentement est considéré comme secondaire. Nous sommes très nombreuses
à avoir vécu agressions sexuelles ou viol. Les différentes études évaluent
qu’il y a aujourd’hui en France entre 75 000 et 100 000 viols par an.
La très grande majorité des victimes sont des femmes. Chez certaines personnes
cela n’aura aucune conséquence, pour d’autre en revanche ces agressions mettent
en péril leur santé sexuelle.
>Les complexes physiques. GNAGNAGNA les femmes sont
toutes complexées, elles sont ridicules, elles se plaignent de tout et
n’importe quoi. Qui n’a jamais entendu ce genre de discours ? Bah ouais
mon gars on voit bien que tu n’as pas grandi avec un idéal impossible à
atteindre sans cellulite, sans poil, sans bourrelet, sans lèvres qui pendent
(oui je parle bien de celles du bas), sans vergetures…Là encore les
représentations dans les médias ne nous aident pas. L’apparition dans nos
séries préférées de meufs un peu différentes n’est que très récente et encore
trop rare. Malheureusement beaucoup d’entre nous focalisons sur nos complexes
au moment d’un rapport sexuel (et c’est sans compter sur les blaireaux qui s’en
donnent à cœur joie pour nous faire remarquer ce qu’ils n’aiment pas chez
nous).
>La morale qui entoure la vie sexuelle des
femmes. Nous vivons malheureusement dans une société où le slut shaming est
courant. Nous devons faire face aux injonctions contradictoires de notre
société : si tu ne couches pas : t’es une naze. Si tu couches
trop : t’es une pute. Et si tu couches il faut que tu aimes ça mais pas
trop sinon bah t’es là encore une pute. Bon vous l’avez compris : on est
piégées dans tous les cas ! En fonction des milieux et de l’éducation, ces
injonctions peuvent peser très lourd sur certaines femmes
En résumé, notre société et la manière dont elle
est construite n’est pas faite pour mettre en avant la santé sexuelle des
femmes, bien au contraire. De ce fait lorsqu’une maladie telle que l’endométriose
nous touche le sujet devient malheureusement secondaire …
La santé
sexuelle dans la prise en charge de l’endométriose
Je suis curieuse de savoir combien d’entre vous se
sont retrouvées face à un médecin qui leur a réellement demandé si elles
pouvaient avoir des rapports sexuels, si les symptômes de la maladie les gênaient.
J’aimerais savoir combien de ces médecins on réellement pris cela au sérieux ?
Combien de femmes souhaiteraient avoir
une vie sexuelle sans douleur mais sont malheureusement confrontées à des
médecins complètement indifférents.
Oui c’est cité dans tous les articles de presse :
l’endométriose peut donner des douleurs pendant les rapports. Bien et après ?
C’est un fait. On en fait quoi ?
Est-ce qu’un tel symptôme pour une maladie dite
masculine serait tant pris à la légère. Et bien en fait on le sait : la prise
en charge de la santé sexuelle des hommes est bien meilleure et bien plus
prioritaire aujourd’hui. Et ça me met en rogne que ça ne nous choque plus, qu’on
soit souvent résignées…parce qu’on a eu l’habitude qu’on nous bourre de pilules
qui diminuent notre libido sans même que ça choque personne, parce qu’on a eu l’habitude
de nous dire que notre désir était secondaire.
Alors oui aujourd’hui on ne sait pas soigner l’endo
donc ça change quoi qu’on s’intéresse à un symptôme plutôt qu’un autre ? Et
bien pour moi ça change tout. Je souhaite qu’un jour on prenne en compte l’intégralité
de nos symptômes. Qu’on cesse d’en rendre certains plus secondaires que d’autre
parce que les femmes n’aiment soi-disant pas le sexe. Notre vie sexuelle a
aussi de l’importance et pas uniquement au moment où on
se décide à faire des enfants.
Parhelie
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