Tu seras une mère ou tu ne seras plus rien !
Il parait que
lorsque l'on est malade, on doit passer par les mêmes phrases de deuil que
lorsque l’on perd un proche. Si c’est le cas, je suis clairement restée bloquée
quelque part entre la phase de colère et celle de la tristesse. Un
savant mélange de pourquoi moi ? je hais ce corps et
de c’est trop dur, je vais pas tenir toute ma vie comme ça. Ce deuil il est
pour moi compliqué parce qu’il doit se faire dans l’adversité. Nous vivons dans
une société qui nie en permanence la parole des femmes, qui est centrée sur le
bien être des hommes et qui attend de nous des rôles sociaux bien définis. Ne
le nions pas, l’endométriose n’est pas n’importe quelle maladie ! Et pour
cause, elle touche entre autres à notre appareil reproducteur
! Insère la musique dramatique et larmoyante
de ton choix
Tu
as l’endométriose ? C’est rien, tu vas pouvoir faire des enfants, j’en
suis sûre
Quand je dis
aux gens que j’ai l’endométriose, j’ai l’impression de devenir instantanément
une sous-femme à leurs yeux. La société dans laquelle nous vivons met en valeur
le modèle de la superwoman, mère matin et soir et workingwoman la journée.
Avoir un enfant reste, encore aujourd’hui, perçu par la plupart des gens comme
l’accomplissement ultime pour une femme et le boss final de la vie de couple.
C’est donc naturellement que le risque d’infertilité s’impose comme la
préoccupation numéro 1 de toute personne qui apprend que tu as l’endométriose. Une maladie qui
s’attaque à cet organe si précieux qui fait de nous des vases à bébés ? Mon
dieu non vous n’y pensez pas! Soudainement tu
comprends que si stérilité il y a, tu n’es plus rien sur le marché de la baise
et du mariage. Du moins plus grand-chose.
Quand on m’a
diagnostiquée, on m’a conseillée de voir un-e psychiatre, ce que j’ai fait quelques
mois plus tard. Quand je lui ai parlé de l’endométriose, ses premiers mots ont
été : Il va falloir faire des enfants très vite avant que la maladie ne
progresse. Je lui réponds que je ne veux pas d’enfants. Elle continue,
comme si je n’avais rien dit : vous avez quel âge ? 25 ans.
Il faut vraiment se dépêcher. Elle enchaîne : vous êtes en
couple depuis longtemps ? Je lui dis que non, que ça fait que
quelques mois. Puis je répète : nous ne voulons pas d’enfants ! Ah
oui c’est embêtant ça parce que dans votre cas, il faut aller vite !
Je venais parler de douleurs chroniques, de ma vie professionnelle, de couple
et je me retrouve face à quelqu’un qui me renvoie tout de suite à ce qu’on
attend de moi : être un utérus sur pattes.
Plus récemment
je parle de mon endométriose lors d’une prise de sang. Elle aussi évoque tout
de suite les enfants. Je lui dis que je n’en veux pas. Elle me questionne sur
mon compagnon. Je lui dis qu’il n’en veux pas non plus. Elle s’inquiète de son
bien-être, du fait qu’il puisse regretter de faire sa vie avec moi…sans enfant.
Je ne suis donc
plus que ça : un utérus défectueux qui rend malheureux son compagnon. Une
femme qui ne pourra pas faire ce que l’on attend d’elle. Les souffrances au
quotidien, mes aspirations personnelles ? Elles n’ont manifestement pas
d’importance. Aujourd’hui la société me renvoie sans arrêt à cette place de
mère que je n’aurais pas, à cette place de femme imparfaite.
Je pourrais
m’en foutre et laisser tout ça de côté mais je suis en colère. En colère parce que
tout ce qu’on voit dans ma maladie, c’est ma potentielle infertilité qui vue
comme une transgression de genre.
Le
parcours du combattant
Endométriose
est une maladie bien ambitieuse. Non, madame ne se contente souvent pas d’un
organe. Il lui en faut plusieurs. Bref elle a bien des moyens de nous pourrir
la vie. Depuis que je lis comment la maladie peut évoluer, je vois défiler
devant mes yeux tout ce que je perds déjà ou risque de perdre à l’avenir.
Le sport par
exemple. Depuis quelques années faire du sport m’a permis de gérer tellement de
choses : de me sentir mieux dans ma peau, gérer ma colère, mon stress, mon
alimentation, arrêter de me regarder mon corps avec dégoût dans le miroir
17h par jour. Je me contente de 20 petites secondes le matin. Bref j’ai trouvé un truc qui me fait du bien
comme d’autres ont trouvé le théâtre ou les origamis.
Aujourd’hui
j’ai peur. J’ai peur car des sports que je pouvais pratiquer il y a moins d’un
an, deviennent bien trop douloureux pour moi. J’ai peur parce que plus ça va,
plus la fatigue ou des crises d’endo me font zapper des séances. Et
ce n’est pas être pessimiste que de dire que ça risque de ne pas aller en
s’arrangeant.
Bref il y en a
autant d’activités et de projets mis de côté que d’endogirls : le
sexe, avoir une carrière, pratiquer une activité sportive etc.
Quand j’ai
compris que j’avais l’endométriose bien avant les
médecins mais on y reviendra, j’ai compris
que j’allais en chier et que mon bien être passerait après le potentiel futur
habitant de mon très cher utérus. Que si le sport, le sexe, le boulot étaient
prioritaires pour moi ou pour une autre, il ne le serait pas pour les médecins.
Nos douleurs ne sont alors que rarement prises en compte et les grands moyens
ne sont souvent déployés qu'au moment où l'on veut tomber enceinte. Je ne
juge bien évidemment pas les femmes atteintes qui souhaitent avoir un ou des
enfants. Je leur souhaite les meilleurs soins, ça va sans dire.
Avoir l'endo
c'est apprendre à se battre pour avoir un bon traitement, être soignée
par des personnes honnêtes qui ne jouent pas les apprentis sorciers, être
écoutée par le corps médical...
Si
on me demande pourquoi ça va pas ou pourquoi je suis en colère je réponds bien
souvent que j’ai mal, que c’est dur, que je suis fatiguée ce qui est
aussi vrai. En vérité le plus dur pour moi c’est ça. Faire le deuil de la
vie que je souhaite, oui bien sûr. Mais c’est aussi gérer cette colère.
Beaucoup
me dirons que la colère est un bon moteur. Que sans colère, il n’y a pas de
militantisme. Et je ne peux qu’être d’accord avec eux. Je crois que la
seule solution que j'ai trouvé face à tout ça, c'est de créer ce
blog, en espérant qu'il soit utile à moi ou à une autre !
Bouillottement
votre,
Parhelie
Commentaires
Enregistrer un commentaire