Parler de l'endométriose autour de soi
Depuis que je sais que j’ai l’endométriose, je me suis
toujours jurée d’en parler ouvertement. Tout d’abord par militantisme. Je suis
féministe et pour moi l’endométriose est une question féministe. En parler a
plusieurs objectifs :
> Parler de ma maladie peut aider les personnes qui
n’ont pas été diagnostiquées ou qui sont en difficultés pour être bien
soignées
> Il s’agit aussi de sensibiliser des personnes qui
ne connaissent pas la maladie et qui vont de manière très probable rencontrer
des personne avec l’endométriose dans leur vie
> Ça s’inscrit dans la lutte contre la misogynie du
corps médical qui se manifeste sous bien trop de formes en dehors même du thème
de l’endométriose : violences obstétrical lors de l’accouchement, difficulté
d’accéder à une contraception adaptée ou à l’IVG, minimisation des douleurs et
j’en passe…
Je me suis aussi promis d’en parler ouvertement parce
que taire une maladie sous prétexte qu’elle touche de près ou de loin à mon
utérus : c’est hors de question pour moi ! Je comprends
néanmoins totalement qu’on ait aussi envie de garder ça pour soi et qu’on soit
pas spécialement à l’aise avec le sujet
L'annonce de la maladie et les réactions
les plus courantes
Le fameux « Tu es un utérus sur
patte »
Souvent quand j’annonce que j’ai l’endométriose à
quelqu’un (de proche ou pas), c’est que ça s’est un peu imposé à moi. Soit j’ai
tellement mal que je n’arrive plus à le cacher soit mon comportement « de
malade chronique » amène les gens à me poser des questions. Bref vous
l’aurez compris, dans ces cas là il est question de douleurs, d’absence au
boulot, d’incapacité de sortir …C’est souvent ce qui fait tiquer. Je me refuse
de répondre par un mensonge aux « mais qu’est ce qui ne va pas ? »
ou aux « tu es souvent malade ». Vous imaginez donc ce qu’il est
désagréable de voir quelqu’un à qui tu parles de douleurs te parler de
grossesse ou d’infertilité.
- « J’ai l’endo, je souffre
beaucoup. Ça met en danger ma vie professionnelle et rend compliquée ma vie
sociale : c’est dur physiquement et psychologiquement »
- « ah oui j’en ai entendu parlé. Il faut te
dépêcher de faire des enfants parce que tu vas devenir stérile. Ton compagnon
il sait ? non parce que lui il veut peut-être des enfants »
Je caricature à peine. On est au niveau 0
d’empathie.
Le « Je compatis sur
le moment mais je m’en tape le reste du temps »
Autrement dit : Les gens qui vont te
reprocher de ne pas trop sortir ou qui ne vont jamais rien adapter à toi. Exemple
type de conversation :
-« Ok je viens ce soir mais je préviens
je suis pas très bien. J'ai des douleurs »
-« Parfait allons dans un endroit
bruyant où tu ne pourras pas t’assoir »
Je vous vois venir : oui les
maladresses ça existe et je ne suis pas le centre du monde. Je suis le genre de
personnes qui essaie toujours de penser à tout pour que tout le monde soit à
l’aise, donc ça me fout ovaires en pelote quand on ne fait pas de même.
Le « oh mon dieu mais tu es
vraiment en train de me parler de ton utérus là »
Bon ça, ça se remarque vite à la tête de la personne.
C’est celles pour qui il n’y a pas moyen d’aller plus loin et qui sont choquées
que tu parles si ouvertement de la chose. Je vous avoue que je ne me prends pas
franchement la tête avec celles-ci. Pour l’instant j’abandonne.
Le « C’est quoi ? »
En générale je suis assez contente qu'on me demande.
Je serai curieuse de savoir comment les autres expliquent leur maladie à
quelqu’un qui ne sait pas ce que c’est. Je suis souvent embêtée par cette
question parce que le sentiment d’être incomprise est tellement énorme qu’on
veut toujours en dire beaucoup. Il faut dire aussi que le sujet est complexe et
que malheureusement beaucoup de gens ne savent pas trop comment fonctionne le
cycle menstruel de base. Si vous saviez le nombre de gens à qui j’apprends
qu’est ce que l’endométre et comment fonctionnent les règles.
Aujourd’hui je j’essaie de la joue simple :
« C’est une maladie qui entraine beaucoup de
douleurs et de symptômes invalidants. Le sang qui normalement tapisse
l’intérieur de l’utérus se retrouve à l’extérieur et empêche les organes de
fonctionner normalement. Ça peut entrainer des complications assez graves »
A 99% on me demande en retour « Ça se soigne
comment ? ». Bon là vous avez toutes et tous la réponse.
En parler…oui mais...
Mettons nous d'accord : c’est pas parce que je me
permets d’en parler ouvertement qu’on peut tout se permettre. Il y a quelques
situations que j’ai rencontré qui me rendent mal à l’aise et que je peine à
expliquer à mon entourage.
Quand les gens passent leur temps à en
parler quand je suis pas là mais n’en parle jamais devant moi
Vous savez le typique « On en a parlé avec X »
ou « Y s’inquiète pour toi ». Sauf qu’une fois en face d’X et
d’Y, ils frémissent dès que j’en parle un peu. Ou pire font comme si ça n’existait
pas. Si tu as un avis sur mon état de santé et que tu te permets d’en parler
avec un proche à moi…bah parle-moi en aussi. Je ne fais pas partie de la
conversation mais on me fait savoir qu’elle a existé. Franchement je préfère
encore ne pas le savoir. J’ai vraiment l’impression d’être encore une fois
dépossédée de mon état de santé. Comme quand les médecins n’en font qu’à leur
tête ou te cache la maladie..
Quand les gens en parlent aux autres à
ma place
Quand j’annonce que j’ai l’endométriose j’évalue les
risques et les conséquences. Je m’explique :
> Je me demande tout d’abord si la personne est
prête à recevoir cette information. Par exemple si je vais pas me prendre
une des phrases décrites plus haut dans la gueule ou si je me trouve pas en
face de quelqu'un de bien sexiste comme il faut
> Je me demande si ça va changer quelque chose dans
notre relation. En parler c'est en quelque sorte autoriser la personne à m'en
reparler ultérieurement. Est ce que j'ai vraiment envie de ça avec telle ou telle
personne ?
> Puis j’évalue aussi bien évidemment son statut. A
moins d’avoir loupé l’info : on ne vit toujours pas dans une société
parfaite sans discriminations. Quand il s’agit une-e employeur-euse, d’un-e
collègue, d’un-e médecin etc. (bref une personne qui peut me mettre en
difficulté) j'y réfléchis à deux fois.
En résumé : j’ai beau en parler ouvertement, j’aime le
fait que ce soir MON choix de l’annoncer à qui je veux au moment que JE trouve
opportun.
Il m’est déjà arrivé que des gens de mon entourage
l’annonce à d’autres en faisant une bourde. Ça arrive. J’en ai pas du tout tenu
rigueur à cette amie qui me l'a dit immédiatement et s'en est excusée. En
revanche je dois avouer que quand on en parle volontairement à des gens qui ne
sont pas au courant, je suis toujours mal à l’aise. Encore une fois j'ai
l'impression d'être dépossédée de mon corps. J'ai aussi l'impression qu'on
minimise la violence que je peux me prendre dans la gueule quand je me retrouve
face à des gens peu sensibilisés.
N'oubliez pas : même s'il y a des progrès, ça reste
une maladie méconnue. Les douleurs féminines sont niées. On a toujours l'image
des douillettes de service. Les douleurs et maladies chroniques sont toujours
peu comprises dans notre société. On a tous entendu un jour ou l'autre "olala
Martine est encore en arrêt...elle a toujours quelque chose qui va pas. Elle
fait pas d'efforts". Ça touche à des sujets (le sexe, la grossesse, les
règles) qui amènent à des remarques sexistes, qui constituent des tas de micro
agressions au quotidien. Alors quand je sais que quelqu'un que je connais peu
est au courant ...et bah je flippe. Parce que ce choix n'était pas entre mes
mains.
Parhelie
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