Le jour où j’ai appris que des médecins cachent volontairement à leurs patientes qu’elles ont l’endométriose : récit de violence médicale 2


Oui, oui vous avez bien lu. Des médecins qui cachent volontairement leur maladie aux patientes, ça existe. Je vais vous raconter comment j’ai appris ça et surtout comment ils le justifient.

C’est un chirurgien spécialiste de l’endométriose qui m’en a parlé.  C’est lors de mon diagnostic qu’il m’a expliqué que le gynécologue que je voyais jusque-là avait probablement totalement diagnostiqué mon endométriose mais c’était bien caché de me le dire. Il m’explique qu’effectivement, lors de la formation des gynécos de sa génération (ceux qui ont aujourd’hui entre 40 et 50 ans) il leur était dit de taire un diagnostic d’endométriose lorsque celle-ci était à un stade peu avancé.

Ainsi lorsque l’on découvrait qu’une femme avait une endométriose de stade 1, leur référent leur demandait de ne pas lui dire. On leur conseillait bien évidemment de perpétuer cette pratique. Pourquoi me direz-vous ? Parce qu’il fallait, je cite, ne pas les inquiéter, voire les rendre hystérique pour 3 fois rien. Cela a aussi pour but d’éviter de devoir répondre à 100 questions embêtantes sur une maladie dont on ne sait pas grand-chose.
Pour rappel : une endométriose de stade 1 peut être aussi douloureuse qu’une forme plus grave, elle peut en rester à ce stade mais elle peut aussi évoluer très vite et mérite donc d’être surveillée. Il n’existe pas de traitement mais il existe des moyens de soulager la douleur. On parle bien de cacher à une femme qu’elle a une maladie grave.
Mon chirurgien ignore si cette pratique est toujours au goût du jour mais cela ne l’étonnerait pas que ce soit encore le cas aujourd’hui. Il m’explique effectivement qu’un tiers des consultations qu’il effectue sont avec des femmes qui recherchent un second avis à propos de l’endométriose Je rappelle que le mec est chirurgien, à la base son métier c'est pas le diagnostic avant opération Toutes ces femmes ont donc déjà vu un gynéco qui leur a dit qu’elles n’étaient pas atteintes. Il m’explique que pourtant parmi elles, une très grosse majorité a bien la maladie.

J’ai bien volontairement appelé cet article « violence médicale ».  Comment appeler ça autrement ? Cacher à des patientes qu’elles sont malades, qu’elles ont une maladie qui doit être prise en charge et surveillée ? Ce n’est pas juste un problème d’éthique, c’est jouer avec la vie de femmes qui souffrent. Des femmes qui parfois voient leur vie professionnelles, familiale, sociale déclinées parce qu’on ne prend pas en charge leur douleur.
C’est du paternalisme pur et dur que de penser qu’il est mieux pour elles qu’elles ne le sachent pas.  C’est de la misogynie que de mettre en avant le mythe de l’hystérique pour justifier le fait de cacher à une femme son état de santé. 
Les violences médicales c’est aussi ça. C’est aussi infantiliser les patientes à tel point qu’on tait l’existence de leur maladie. Quand je pense à ces décennies de femmes dans l’errance médicale, je comprends mieux. Aujourd’hui l’endométriose, on en parle un peu (trop peu). Aujourd’hui, on a des associations, des cliniques spécialisées, internet, un mois de l'endométriose et ça suffit déjà pas. Je pense à ces femmes, plus âgées que moi, qui n’ont jamais eu de diagnostic. Je pense à celles qui découvrent l’endométriose de leur fille et qui peut être se reconnaissent. A celles qui, aujourd'hui ménopausées, n’ont jamais entendu le mot « endométriose » de leur vie...



Parhélie 











Commentaires

  1. Merci pour votre témoignage. J'ai moi-même eu le diagnostic il y a peu, alors que j'en souffrais depuis l'arrivée de mes premières règles. La seule action, à l'époque, pour régler le problème (le mot "endométriose" n'avait jamais été prononcé jusque là) était de me prescrire la pilule. Ce qui a forcément eu un impact quand j'ai arrêté la pilule... Vivement que les cours de médecine revoient leurs formations.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés